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La mission et le site
La mission euro-syrienne à Tell Beydar a débuté ses travaux en 1992. L’équipe syrienne est composée de chercheurs de la Direction Générale des Antiquités et des Musées (directeurs successifs: H. Hammade, A. Suleiman, A. Baghdo).
Les équipes européennes comprennent à ce jour des scientifiques des universités de Bruxelles, Venise, Madrid, Munich et Coimbra sous la coordination du Centre Européen de Recherches sur la Haute Mésopotamie (dir. M. Lebeau).
Tell Beydar, l’antique cité de Nabada, est une ville de taille moyenne, construite sur plusieurs terrasses et protégée par deux murs d’enceinte et sept portes. Son occupation principale remonte au 3e millénaire avant notre ère (vers 2900-2100 av. J.-C.).
Les bâtiments les plus importants (le Palais et les Temples) sont situés au centre de la ville haute. Des édifices de nature économique sont construits tout autour. Les quartiers de maisons privées sont localisés plus loin en périphérie.
Les plus anciens documents écrits de Syrie furent découverts ici (~ 2450 av. J.-C.). A l’époque, la cité est une ville importante du Royaume de Nagar (Tell Brak). A l’époque akkadienne (~ 2330-2100 av. J.-C.), la taille de la cité se réduit considérablement.
Après une longue interruption, le site est réoccupé à l’époque hellénistique (~ 175-50 av. J.-C.).
Tell Beydar: emplacement des chantiers de fouilles (2010)
Palais de l’acropole (~ 2450 av. J.-C.)
Le Palais de l’acropole de Tell Beydar est situé au sommet d’une terrasse au N de l’acropole, dans une situation privilégiée au centre de la ville.
Il fut construit vers 2500 av. J.-C. (phase 1). Plus tard, son plan de base fut modifié à deux reprises. Dans la deuxième phase, deux ailes de pièces de stockage furent ajoutées à l’E et au NO. Plus tard encore, les sols de la partie O du bâtiment furent surhaussés et de nouvelles pièces furent construites à un niveau plus élevé (phase 3). La phase 2 du bâtiment fut choisie pour les travaux de restauration.
La salle d’audience triangulaire à l’O du Palais perdit sa fonction puisque la cité n’était plus indépendante. Le bâtiment remplit quatre fonctions: (1) c’était le centre de l’administration de Nabada et de son territoire; (2) les autorités hébergeaient les visiteurs de marque en ce lieu; (3) des marchandises de valeur y étaient entreposées et (4) c’était le siège du gouvernement de la cité. Seules la suite de réception et les pièces de stockage ont été préservées. L’administration et les appartements privés étaient situés à l’étage, effondré depuis lors. On accédait au Palais par le S, dans la partie la plus élevée de la Grand-Rue. Une pièce d’entrée livre accès à la cour centrale, qui, pour sa part, ouvre sur la plupart des pièces du rez-de-chaussée.
Porte de l’acropole et Grand-Rue (~ 2400 av. J.-C.)
La Porte de l’acropole marque la limite S de l’acropole qui abrite les bâtiments les plus importants liés au pouvoir local: le Palais, les Temples A, B, C & D, les entrepôts et les ateliers.
Son importance est soulignée par une porte munie de plusieurs ressauts, au sommet d’un escalier fait de dalles de basalte. La porte contrôle l’accès au secteur officiel de Nabada et est installée sur la Grand-Rue, la voie majeure de la cité qui relie la porte S de la ville haute à l’entrée du Palais de l’acropole, sur la terrasse sommitale.
La Grand-Rue s’élève en ligne droite et franchit au moins quatre terrasses différentes aboutissant à l’entrée du Palais. L’accès d’une terrasse à une autre est souligné par des escaliers en dalles de basalte ou en briques cuites, le plus monumental d’entre eux étant voisin des portes des Temples C et D. Dan sa section la plus élevée, la Grand-Rue est équipée d’une grande canalisation en pierre, le drainage principal de la cité, qui débute dans la cour centrale du Palais de l’acropole.
Le Temple A et ses magasins (~ 2400 av. J.-C.)
Situé sur la terrasse haute de l’acropole et s’appuyant sur la façade S du Palais, le Temple A est le plus vaste des temples découverts jusqu’à présent à Tell Beydar/Nabada (douze pièces, une cour, un corridor et un escalier au rez-de-chaussée, ainsi qu’un nombre inconnu de pièces à l’étage).
Le Temple A comporte des éléments caractéristiques des autres temples: une pièce d’entrée accessible par une porte à double ressaut, précédée par un petit escalier, pavée de briques cuites et équipée d’une installation à eau, plusieurs salles de bain comprenant une toilette, une cella de petites dimensions et une vaste pièce cérémonielle, décorée d’un bloc ornemental à niches et redans associé à une banquette et un podium.
L’aile S de l’édifice consiste en de petites pièces équipées d’installations basses bitumées et de banquettes, peut-être en rapport avec la préparation d’offrandes. Par manque d’informations en raison de son faible état de conservation, l’angle SO du bâtiment n’a volontairement pas été restauré. Le Temple A fut rebâti à plusieurs reprises à l’époque akkadienne. Le grand hypogée d’un guerrier fut découvert plusieurs mètres sous la pièce cérémonielle, accessible par deux puits d’accès creusés à partir du sol de la phase akkadienne ancienne (~ 2350 av. J.-C.).
En face du bâtiment, de l’autre côté d’une petite rue équipée d’un grand drainage en pierre, fut construit un édifice composé de pièces de stockage, en étroite association avec le temple. Cet édifice n’a été conservé qu’au niveau de ses fondations.
Le Temple B, le Temple C et les ateliers (~ 2400 av. J.-C.)
Les Temples B et C constituent des exemples caractéristiques de l’architecture sacrée de Nabada. Un escalier mène à l’entrée du Temple B. Le temple est composé de six pièces, incluant un corridor menant à un escalier qui permet d’atteindre la terrasse haute de la cité. La pièce d’entrée est pavée de briques cuites. Une première salle de bains, comprenant une toilette, est installée dans la partie NE du temple. Au centre du bâtiment, la grande pièce centrale cérémonielle présente un mur sur lequel s’appuie
l’agencement très typique des sanctuaires de Nabada: un bloc ornemental associé à une banquette et un podium bas.
Deux pièces plus petites, une cella et une seconde salle de bains, constituent la partie O du temple.
Le Temple C est similaire au Temple B, hormis ses dimensions plus importantes. La façade S est décorée de dix niches et l’entrée du temple est installée sur la façade E.
Un vestibule livre accès à un escalier à trois volées et à la pièce d’entrée, pavée de briques cuites. Cette pièce dallée mène à une première salle de bains. A l’O, une porte à double ressaut mène à la grande pièce centrale. Une seconde salle de bains et la cella complètent le plan. Au S de la rue, un édifice allongé, en relation étroite avec les Temples B et C, se compose de cinq unités différentes. Une porte et deux corridors à ciel ouvert permettent d’y accéder. Ce bâtiment abrite des ateliers et des pièces de stockage.
Le Temple D (~ 2400 av. J.-C.)
Solidement installé à l’angle SE de l’acropole et reposant sur deux murs de terrasse massifs, le Temple D présente la particularité d’être en forme de L. Sa façade principale est élégamment décorée de niches et de contreforts.
En dépit de sa forme particulière, le Temple D partage de nombreux points communs avec les autres sanctuaires de la cité: escalier d’accès en pierre, vestibule étroit, pièce d’entrée (ou cour) pavée de briques cuites, d’où part un drainage en direction de la rue, première salle de bains équipée d’une toilette, porte à double ressaut menant vers la pièce principale cérémonielle, équipée du bloc ornemental à niches et redans, d’une banquette et d’un podium bas, cette pièce principale livrant accès à deux pièces allongées dans le secteur SE du sanctuaire.
Deux pièces supplémentaires occupent la partie N du temple: la première est accessible à partir de la pièce pavée; la seconde, munie d’un foyer, fait face à la petite salle de bains.
Plus tard, à l’époque akkadienne ancienne (~ 2350-2250 av. J.-C.), le Temple D devint une résidence privée où résidait vraisemblablement le chef de la communauté installée sur les ruines de la cité précédente.
Le Temple E (~ 2400 av. J.-C.)
Le Temple E est en cours de fouille dans la partie sud de la ville haute. Il s’agit du plus grand bâtiment religieux découvert à Tell Beydar et il présente d’étonnantes similitudes avec les grands temples FS et SS découverts à Nagar, la capitale du royaume.
Très bien conservé, il présente un plan tripartite composé d un grand espace central et de deux ailes de pièces plus petites. Il est à noter que la façade principale du temple, celle ouvrant vers le S, fut volontairement démantelée à la fin de l’occupation du bâtiment. Quelques tablettes cunéiformes et de nombreux fragments de scellements de porte furent recueillis sur les sols.
Le « Parvis Sud » et « White Hall » ( ~ 2400 av. J.-C.)
Le « Parvis Sud » est situé au S de la ville haute, en contrebas de la Grand-Rue qui conduit au Palais. Il s’agit d’une vaste cour pavée de briques cuites, entourée sur trois côtés de belles façades à niches et redans, délimitant, au N, la terrasse sur laquelle repose le Temple D, à l’E une série de trois pièces qui s’ouvrent sur la cour, au S une autre série de petites pièces ainsi que « White Hall ». Le côté O est clos par un mur non décoré, constituant la limite E du Temple E. Un podium est installé contre la façade S de la cour. Deux accès, dans les angles SO et SE du parvis, conduisent, via des corridors, vers une terrasse inférieure. Le pavement de la cour et son système de drainage ont été restaurés en 2010.
« White Hall », adossée au SE du Parvis, est une grande pièce cérémonielle carrée, au sol couvert de plâtre blanc, qui comporte également un podium, ainsi qu’une banquette avec plateforme.
Le Palais Oriental (chantier P) (~ 2365 av. J.-C.)
Le Palais Oriental est un édifice de grandes dimensions (au moins 35 x 30m) situé dans la partie est de la ville haute. Un quartier de maisons privées (datant de la phase IIIb) fut détruit pour lui faire place. Ce bâtiment, comprennt la même suite de pièces de réception que celle du Palais de l’Acropole, était probablement utilisé pour la tenue de cérémonies officielles organisées par l’élite de la cité ou le souverain de Nagar.
Le Palais fut par la suite transformé en un atelier de métallurgie et à l’extrême fin de la phase IIIb, des squatters s’y installèrent. Enfin, lors de la phase IVa, de petites maisons et des ateliers furent érigés sur les ruines du bâtiment.
«La Maison aux Tablettes» et le quartier de maisons privées (~ 2400 av. J.-C.)
Le quartier de maison privées, habitations de tailles variées, est établi des deux côtés d’une rue en pente munie d’une canalisation. Quatre maisons ont été fouillées du côté E de la rue, davantage sont en cours d’exploration du côté O. Sous les sols d’une maison composée de trois pièces (la «Maison aux Tablettes»), 141 tablettes cunéiformes furent découvertes.
Environ 230 documents écrits ont, à ce jour, été retrouvés à Tell Beydar/Nabada. Ils datent des environs de 2400 av. J.-C. La plupart d’entre eux furent mis au jour dans des maisons privées; d’autres furent retrouvés dans le Palais de l’acropole ou dans des bâtiments à vocation administrative.
L’écriture cunéiforme est une invention sumérienne et fut importée en Syrie à partir de la Basse Mésopotamie. A Beydar, elle était utilisée pour transcrire la langue locale, un dialecte sémitique nommé akkadien. Comme sur d’autres sites contemporains de Syrie (Mari, Ebla) où l’écriture fut adoptée pour des usages administratifs, les tablettes de Beydar relatent des transactions officielles, des quantités de nourriture destinées à être distribuée aux travailleurs, des paiements et des comptes de bétail. Un texte littéraire, un mythe écrit en sumérien, fut également découvert.
Les tablettes d’argile ne sont pas les seuls documents écrits. Plus de 30 bulles en argile témoignent à Beydar de l’utilisation de l’écriture en association avec la pratique du scellement.
La porte interne NE de la cité et le “bâtiment nord” (~ 2700-2350 av. J.-C.)
La porte interne NE de la cité constitue l’un des anciens accès à la ville haute, à partir duquel une rue étroite mène au plateau central du site. Le « bâtiment nord », situé au sommet de la pente surplombant la porte, est un grand complexe public qui a été en fonction pendant plusieurs phases de l’existence de la cité, mais son époque principale remonte à la période Early Jezirah IIIa.
Outre une aile de pièces, il comprend un secteur consacré à la production à grande échelle de nourriture et à la cuisson des aliments. Les trouvailles les plus importantes consistent en un petit groupe de textes administratifs, plus anciens (Early Jezirah IIIa final) que le reste du corpus des tablettes découvertes à Tell Beydar.
Le Palais hellénistique (~ 150 av. J.-C.)
Durant la première moitié de la période hellénistique (305-150 av. J.-C.), la Mésopotamie était une partie de l’empire grec séleucide. Peu après 150 av. J.-C., elle fut conquise par les Parthes. Même si la région passait sous un pouvoir étranger, les vieilles traditions des habitants locaux sémites continuèrent à être vivaces.
Le Palais hellénistique de Tell Beydar, édifié vers 150 av. J.-C., témoigne de la continuité de l’ancien héritage architectural mésopotamien. Sa construction est contemporaine des dernières années du pouvoir grec sur la région ou des premiers temps de l’occupation parthe.
La qualité de l’architecture, la taille du bâtiment et la distribution des pièces présentent une parfaite symétrie. Tout indique qu’il s’agit d’un important bâtiment officiel.
Une grande cour rectangulaire mène vers le N à un long hall. L’aile N du bâtiment se compose de cinq pièces en enfilade, la pièce centrale étant la plus vaste. La façade O est renforcée par des contreforts. C’était vraisemblablement le cas de toutes les façades. Toutes ces caractéristiques sont en relation avec l’héritage architectural mésopotamien qui survécut à la conquête grecque.
Le bâtiment fut réoccupé plus tard par des squatters (~ 75-50 av. J.-C.) qui subdivisèrent les pièces et la cour en unités plus petites.
Un quartier d’habitat datant de la période hellénistique (Chantier C) (~ 150-50 av. J.-C.)
Le chantier C est situé sur le plateau de la ville haute, au NE du complexe palatial du 3e millénaire et au SE du Palais hellénistique. Trois campagnes de fouilles ont permis de mettre au jour un complexe architectural composé de plusieurs bâtiments. Certains d’entre eux ont été très probablement construits à une époque contemporaine de celle du Palais hellénistique, phase IIa. Ils ont été réoccupés ultérieurement (à une époque contemporaine de la phase IIb du Palai hellénistique).
Les murs épais en pisé sur une base de blocs de basalte ont permis de définir des terrasses, peut-être destinées à contrebalancer la pente naturelle du tell et à organiser l’espace ambiant. Il est également évident que les derniers occupants de la phase IIb ont quitté le site dans la hâte, abandonnant dans leur fuite un inventaire conséquent de céramique et d’objets liés à la mouture des céréales.